Après l’allocution du 12 mars

Dans son allocution du 12 mars, le président de la République a rendu publiques des mesures destinées à faire face à une aggravation prochaine de l’épidémie de coronavirus, la plus spectaculaire étant la fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées et universités.
Il n’a en revanche apporté aucune réponse aux situations concrètes vécues par des millions de nos concitoyens.
Il y a pénurie de masques, même pour les personnes reconnues atteintes de la maladie, même pour des soignants dans les hôpitaux et des personnels qui portent assistance aux malades. Il y a pénurie de tests.
Il y a pénurie de lits et de services dans les hôpitaux et un manque criant de personnels soignants.
Fatalité ? Non : résultat de décennies d’étranglement de la santé publique et des hôpitaux, sacrifiés sur l’autel de l’austérité dictée par les traités européens et appliquée par tous les gouvernements, celui de Macron et de
ses prédécesseurs.
De ce dénuement face à l’épidémie, et de ses conséquences possiblement dramatiques, ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé sont responsables et coupables.
Macron en a appelé à la « confiance ». Confiance ? Tout le monde sait que les chiffres sont manipulés, qui excluent des statistiques les malades atteints du coronavirus (ou leur conjoint) auxquels il est refusé de passer
les tests, même quand ils présentent tous les symptômes de la maladie. Confiance dans ce régime de la Ve République ? Alors que des chercheurs ont révélé que leurs travaux engagés dès 2003 auraient permis d’identifier
plus tôt les mécanismes du virus et donc de préparer les moyens de le combattre efficacement… Mais, austérité oblige, ces recherches ont été abandonnées. Confiance en Macron qui ose cyniquement faire l’éloge
de notre système de santé, au moment même où sa contre-réforme des retraites démantèle la Sécurité sociale arrachée en 1945 par la mobilisation de millions de travailleurs ? Non, décidément : aucune confiance en ce
gouvernement !
Macron en a appelé aussi à l’ « union sacrée », en raison du caractère exceptionnel de la situation. Situation exceptionnelle ? Sans doute. Mais cet argument est bien utile quand il s’agit de remettre en cause, au nom du coronavirus, les statuts et les conditions de travail des personnels hospitaliers et des enseignants ou d’imposer le chômage partiel, voire la suppression des emplois ; bien utile aussi pour remettre en cause statuts et conventions collectives dans nombre d’entreprises, du public ou du privé.
Mais quand les organisations syndicales demandent, au nom de situation d’exception, la suspension des réformes en cours (en particulier celles des retraites et du baccalauréat) ou la non-application des nouvelles dispositions de l’assurance chômage qui restreignent les droits, là… pas de réponse !
Pire : Macron a ouvertement annoncé que son gouvernement profiterait des circonstances pour bouleverser l’organisation sociale du pays et accélérer la liquidation de ce qu’il appelle « le Vieux Monde » (c’est-à-dire
les acquis sociaux et les garanties arrachés par la lutte de classe et le combat démocratique). Ainsi, la généralisation du télétravail obligatoire, « justifiée » par l’urgence et la gravité de la situation sanitaire, deviendrait
ensuite permanente ! Il s’agit d’un véritable coup d’État antisocial et antidémocratique.
Il ne fait aucun doute que l’épidémie de coronavirus est d’une extrême gravité. Mais rien ne justifie que les conséquences en retombent sur les travailleurs et les jeunes. C’est pourtant ce qui se prépare. Le12 mars, la
Bourse à Paris a connu un krach financier qui a battu tous les records. Durant la même journée, les 500 personnes les plus riches au monde ont vu leurs valeurs cotées en Bourse diminuer de 331 milliards de dollars, c’est-à-dire plus que le budget annuel de la France !
C’est le scénario de 2008 qui recommence, produit de l’impasse dans laquelle la crise du système capitaliste, fondé sur le régime de la propriété privée des moyens de production, entraîne l’humanité. Comme en 2008,
la bulle spéculative artificiellement gonflée de capitaux largement fictifs (notamment grâce aux milliards déversés gratuitement par les banques centrales, dont la Banque centrale européenne) finit par éclater. Les
travailleurs savent ce que va entraîner l’effondrement des cours de la Bourse. Ces montagnes de capitaux – largement fictifs – brusquement partis en fumée, les capitalistes du monde entier vont s’empresser de les récupérer sur le dos des travailleurs. Dans le contexte de récession mondiale qui commence, ils préparent d’ores et déjà des centaines de milliers, voire des millions, de licenciements dans le monde entier. En même temps, comme en 2008, ils chercheront à renflouer les banques en faillite avec les fonds publics dégagés par la destruction en masse des services publics.
Et c’est pour mettre en oeuvre ces plans que Macron en appelle à l’union sacrée et invite les « partenaires sociaux », c’est-à-dire en premier lieu les organisations syndicales, à « faire bloc autour des mesures annoncées » !
En réalité, derrière les termes d’« union sacrée », de « bloc », d’« unité », se dessinent les coups les plus brutaux contre les plus démunis : les travailleurs, les jeunes, les personnes âgées, les mères de famille, les chômeurs.
Le discours de Macron est tout entier une déclaration de guerre anti-ouvrière. C’est pourquoi nous ne pouvons pas approuver Jean-Luc Mélenchon quand il déclare, après cette allocution : « L’heure n’est pas à la polémique, l’heure est à la solidarité. » Oui, l’heure est à la solidarité des travailleurs et des organisations ouvrières pour combattre ensemble le déferlement de destructions et de violences que le gouvernement déclenche. Mais l’heure n’est certainement pas à la solidarité avec le gouvernement qui a déclaré la guerre aux travailleurs et à la jeunesse. Dans le mouvement ouvrier, le mot d’ordre doit être : aucune confiance en ce gouvernement. Et aussi : unité des travailleurs et de leurs organisations pour imposer le véritable plan d’urgence et de sauvegarde qui passe par la mobilisation de tous les moyens financiers pour la production en masse de masques, tests et autre matériel indispensable, par la réouverture des lits et des services d’urgence et de réanimation, par l’interdiction pure et simple des licenciements et la garantie intégrale et illimitée de la compensation des pertes de salaire, et par le rétablissement des CHSCT et le respect de toutes les garanties collectives et des prérogatives des organisations syndicales, etc.
Dans de nombreuses entreprises, les travailleurs ont commencé à définir leurs revendications face à l’épidémie du coronavirus. Ils ont établi ce que sont leurs besoins urgents pour se prémunir. C’est la seule voie du combat
efficace. Ils exigent des garanties. Ils le font en toute indépendance unis avec leurs organisations syndicales.
Ils le font dans un rapport où ils mesurent – qu’il s’agisse du coronavirus ou de toute autre question – que ce sont bien des intérêts de classes qui sont en présence et qu’ils sont fondés à défendre leurs intérêts d’exploités
et d’opprimés Il ne fait pas de doute que la période qui s’ouvre sera une période difficile. Tous les moyens vont être utilisés par ce gouvernement pour tenter de faire taire la voix de la classe ouvrière et contraindre les organisations à se ranger dans l’union sacrée. Il ne fait pas de doute que les conditions matérielles d’existence vont être dégradées et remises en cause et que le gouvernement tentera de remettre en cause l’exercice des libertés
démocratiques, en particulier le droit de revendiquer, de s’organiser, de manifester.
La défense de la civilisation et des droits, tout comme la victoire contre l’épidémie ne viendront pas de l’union sacrée avec ceux qui ont tout fait et continuent de tout faire pour préserver leurs profits au mépris de la préparation des instruments nécessaires pour faire face à la pandémie. L’issue viendra, comme toujours, de l’action unie, résolue et indépendante des exploités et des opprimés. La classe ouvrière doit se défendre comme
classe. C’est elle qui a arraché les acquis de la civilisation, c’est elle qui a arraché la Sécurité sociale, les services publics, l’instruction publique, c’est elle qui les défendra sur son terrain de classe.
Le Parti ouvrier indépendant démocratique, fidèle au mandat qu’il s’est fixé, mettra tout en oeuvre pour aider à réaliser l’unité des rangs ouvriers pour défendre les droits et les garanties, repousser l’offensive destructrice
en cours, et, finalement chasser Macron et sa politique. Au service de cette cause, La Tribune des travailleurs comme elle l’a toujours fait, ouvrira ses colonnes au libre débat entre travailleurs et militants engagés dans la lutte des classes.