“Filles de joie” : un trio décapant d’actrices interprète une forme de prostitution “ordinaire”

Sara Forestier, Noémie Lvovsky et Annabelle Lengronne jouent trois copines qui chaque jour quittent leur foyer pour faire bouillir la marmite en se prostituant.

Frédéric Fonteyne (La Femme de Gilles) s’allie pour la première fois à l’actrice Anne Paulicevich, qu’il avait dirigée dans Tango libre, pour réaliser Filles de joie. Le film révèle une forme de prostitution hors les clichés, où trois femmes très différentes, bouclent leurs fins de mois en vendant leur corps comme d’autres vont au bureau, à l’usine ou au supermarché.

Ces trois femmes de la même cité se retrouvent chaque matin pour aller en Belgique vendre leurs charmes dans une maison de passe. Dominique, l’aînée, vit seule avec ses grands enfants, Axelle est en rupture de ban avec son compagnon, et Conso, célibataire, recherche le prince charmant. Jusqu’au jour où l’une d’entre elles est mise en danger par un client. Toutes les trois s’unissent pour la sortir de ce mauvais pas.

Si la prostitution est un sujet récurrent au cinéma, Filles de joie l’aborde sous un jour inédit, en évoquant une catégorie mal connue des “professionnelles du sexe”. Elles sont mères de famille, chômeuses, caissières, étudiantes… et vivent, sans souteneur, de leurs charmes. Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich ont enquêté assidûment auprès d’elles pour écrire leur scénario, en les rencontrant dans les “salons” où elles voient leurs clients. Il en est ressorti une impression de sororité entre ces femmes qui assument leur “profession”, cachée aux yeux de leur entourage.Oxymore

Frédéric Fonteyne et Anne Paulicevich ne tombent pas dans le misérabilisme, mais captent une réalité, où les meilleurs moments de vie de ces trois copines sont ceux où elles se retrouvent ensemble, complices, avec en commun leurs secrets qu’elles sont les seules à partager. Face à elles, enfants, conjoints ou amants, font pâle figure au regard de ce qu’elles assument pour les faire vivre ou sauvegarder un train de vie garant des relations sociales, parfois biaisées. Ces trois femmes-courage perturbent les préjugés, sans pour autant faire l’apologie de leurs actes. Elles dénoncent la médiocrité des relations homme-femme dans des sociétés de plus en plus égoïstes et dépersonnalisées.

Sara Forestier, Noémie Lvovsky et Annabelle Lengronne portent ces Filles de joie avec un enthousiasme communicatif qui fait le sel du film. La scène d’ouverture, où elles transportent un cadavre sous la pluie, est comme un oxymore par rapport au titre du film. Il relate en flash-back pourquoi et comment elles en sont arrivées là. Cette construction judicieuse donne un parfum de thriller à ce qui s’avère une enquête sociale. L’humour est aussi un atout majeur, adroitement mêlé au drame, dans une mise en scène effacée, dont l’atout majeur demeure des actrices inspirées.