Qui a tué mon père

Nelly Kapriélian au masque et la plume : “une sorte de “J’accuse” de la part d’un jeune homme de 25 ans”

Je le trouve très fort et, par sa seule existence, je pense que ça en fait un écrivain qui est important et qui compte aujourd’hui

On n’a pas une littérature qui donne les noms des politiques comme ça. Je me rappelle avoir interviewé Régis Jauffret pour son livre sur DSK, il ne savait pas s’il devait dire son nom ou pas dans le livre. Là, Edouard Louis y va, il en fait un objet littéraire. 

Il y a une littérature engagée française qui existe mais pas une littérature de confrontation. Prendre le lecteur et lui mettre le nez sur ce que c’est que la politique et comment celle-ci touche les plus faibles et les plus démunis… Nous, dans une classe sociale moyenne, finalement, on peut ne pas se rendre compte que certaines lois de Sarkozy vont faire qu’un ouvrier qui a eu le dos broyé à cause d’une machine qui lui est tombé dessus soit obligé d’aller à quarante kilomètres de chez lui être balayeur… et que ça va encore plus, évidemment, endommager son corps et le mener à une mort certaine… Je trouve que c’est absolument primordial de l’écrire ! Ça n’existe pas dans la littérature française contemporaine à ce point ! 

La façon dont il écrit tous ces souvenirs avec son père sont absolument magnifiques et extrêmement touchants ; on voit se dessiner en effet une personnalité double du père qui à la fois essaye d’être le dur d’En finir avec Eddy Bellegueule et, en même temps, un homme sensible qui doit renoncer à sa sensibilité. C’est aussi ce qui va le pénaliser : ce qui va lui faire arrêter ses études, c’est de vouloir être un garçon, un vrai, un dur, et pas ce qui risquerait d’être appelé “un pédé”. Je trouve que nous montrer ça, c’est très fort.