Ce lundi soir, la nouvelle est tombée comme un couperet, et d’autant plus brutalement que l’annonce qui présentait ce virus comme capable de résister plus de cinq jours sur des surfaces inertes, comme le verre, donnait une toute autre importance à sa capacité de contamination. J’ai alors repensé à ce que notre orateur avait dit, au sujet de ce virus, lors de la réunion publique que nous avions tenu dans le cadre des élections municipales, le jeudi précédent, à savoir : qu’un épidémiologiste Américain disait le Covid 19 capable de contaminer 70% de l’humanité en un an…Et j’ai paniqué !
A ce moment, je n’ai plus pensé qu’à ma mère (plus de 70 ans), coincée avec moi, aux mesures de protection à mettre en place pour me protéger moi-même et ne pas lui ramener le virus à domicile, à mes réserves habituelles de bouffe / produits d’entretien qui me permettront de tenir deux ou trois semaines sans nécessité absolue de ravitailler, à mes bénéficiaires qui, pour la plupart, ne pourront pas se passer de notre aide, et aux seuls moyens qu’offre mon employeur pour nous permettre de nous protéger, eux comme nous, de la propagation de ce virus, durant nos interventions à leur domicile…A savoir : une blouse à manches courtes, et des gants en latex !
J’en ai eu le coeur serré par un mélange de peur pour mon entourage (j’ignorais alors que, contrairement aux dires des médias, des gens bien plus jeunes que moi y laissent également leur peau) et de colère viscérale contre cet état qui, d’un seul coup, nous jette comme dans un incendie, munis de pistolets à eau, et avec comme consigne de bien vouloir contenir le tout par la seule opération de la bonne volonté et du dévouement qui est le notre, ceci après des décennies de politique de restrictions budgétaires et de volonté de mise à mort des secteurs de la recherche et de la santé publique (politique ayant reçu un coup d’accélérateur par le gouvernement actuel),
le tout laissant nos moyens de défense du peuple face à cette maladie, comme un champ de ruine s’apprêtant à accueillir la nuée fétide.
Dès le premier jour, et avant même le déclenchement du confinement, j’ai pu constater que c’était la panique totale pour l’association d’aide à domicile qui m’emploie : une mesure gouvernementale de confinement tombant presque sans prévenir, aucun matériel de protection mis à notre disposition, à part des gants qu’on nous demandait immédiatement de rationner, des dizaines de familles téléphonant sans relâche pour obtenir des réponses à des questions que nous même nous nous posions (Qui doit être prioritaire ? Les plus fragiles ? Les plus isolés ? Serons nous disponibles après le déclenchement du confinement ?…).
Et les informations ont commencé à arriver. D’abord dans les médias, dont le ton se faisait déjà un peu moins complaisant à l’égard du gouvernement, et laissant passer des témoignages qui en disait long sur la gravité, jusqu’alors dissimulée, de la situation : ici un soignant qui témoignait que son hôpital ne réanimerait pas les personnes de plus de 75 ans; là un présentateur connu pour sa servilité qui, d’un seul coup, apostrophait un porte-parole du gouvernement, à propos des moyens et de la reconnaissance due au personnel soignant; là encore on martelait que le gouvernement ne pouvait ignorer la gravité de la situation sanitaire alors qu’il autorisait la tenue des élections…
Puis, après une journée entière à mendier en vain l’aide de l’état, ce sont les réseaux privés qui se sont déclenchés pour obtenir urgemment ce qu’il nous manquait, avec beaucoup plus de succès : les informations sur le net qu’il fallait trier et recouper avec ce que l’ARS et la préfecture nous disait au compte-goutte; les masques et le gel hydroalcoolique qu’il fallait trouver, compter et distribuer, les autorisations de circulation à obtenir et éditer.
Notre directrice d’association, ainsi que le personnel de bureau, se sont démenés sans relâche, passant des paquets de coups de téléphone à nos partenaires ainsi que nos confrères, et faisant des dizaines de kilomètres pour nous obtenir le prêt de moyens de protection individuels, mais
avec un résultat mitigé :
• Au premier jour nous n’avions qu’une blouse et des gants en latex.
• Au second, rien n’avait changé, mais nous avions les autorisations de circuler.
• Au troisième, on nous confiait six masques à poussière en papier fin, dons d’une
association , avec comme consigne de n’en utiliser qu’un seul par jour.
• Au cinquième, on nous annonçait que, n’ayant rien reçu de mieux pour nous protéger, notre
directrice avait fait coudre soixante masques en tissu (nous sommes environs 80 AVS…).