Yves

Synopsis : Jérem s’installe dans la maison de sa mémé pour y composer son premier disque. Il y fait la rencontre de So, mystérieuse enquêtrice pour le compte de la start-up Digital Cool. Elle le persuade de prendre à l’essai Yves, un réfrigérateur intelligent, censé lui simplifier la vie…

Sortie en salle le 26 juin.

Une comédie juste à point givrée qui s’amuse de l’incursion dans nos vies des objets connectés.

Après avoir assisté à une conférence sur les robots, celui qui avec Gaz de France en 2016 s’est essayé avec un succès incertain à la satire politique autour de la fonction présidentielle s’intéresse cette fois, entre humour et inquiétude, à la capacité des appareils dits intelligents à révolutionner nos vies.
Benoit Forgeard abandonne cette lenteur héritée de ses années d’apprentissage aux Beaux-Arts du Fresnoy qui avait fait de son précédent long-métrage un pamphlet un peu trop inoffensif, pour coller au plus près de cette marche en avant effrénée de la technologie et de l’I.A. (Intelligence Artificielle), en particulier. S’il ne renonce pas à ce sens de l’absurde qui fait depuis ses débuts sa marque de fabrique, il descend de son perchoir pour composer, une partition inclassable hors des sentiers battus dotée d’une intelligence certes farfelue mais pas du tout artificielle. A la croisée des genres cinématographiques (film de science-fiction, satire, film de potes et comédie sentimentale), Yves se fait populaire pour s’adresser à un plus large public.
Car à l’heure où le culte de la performance et le dépassement de soi sont érigés en règles de vie, chacun d’entre nous se sent, bien malgré lui, sous la surveillance des algorithmes.

Jérem, (William Lebghil) apprenti rappeur au talent hypothétique, vivote dans le décor kitsch de la maison de sa grand-mère décédée. Coaché par un manager (l’inénarrable Philippe Katerine) pas beaucoup plus doué que lui, il rêve pourtant de devenir une star du rap. En attendant, il accepte de tester les fonctions d’un nouvel appareil : un frigo capable de commander lui-même les repas les mieux adaptés aux besoins et aux habitudes alimentaires de son hôte. C’est ainsi que débute la cohabitation entre Jérem l’humain faillible et Yves, le robot si parfait qu’il parviendra même à créer Carrément rien à branler, le tube dansant qui vaudra à Jérem un succès inespéré faisant de lui un homme sous influence, accro à son frigo comme à un bon génie qui exauce les vœux, partagé entre fascination et méfiance. Car si le frigo Yves présente toutes les caractéristiques du meilleur ami, il possède aussi toutes les fonctions pour dépouiller le naïf Jérem de son jugement et même de son identité.

Nul doute qu’un tel sujet aurait pu aisément se faire le complice de la loufoquerie habituelle de son auteur. Pourtant, animé d’une tendre empathie pour ses personnages, le réalisateur choisit, sans néanmoins ne jamais rien perdre de sa causticité, la voie sentimentale. S’appuyant sur une bande-son audacieuse où se mêlent sons populaires et rap pur et dur et sur des scènes certes inégales (mais comment égaler à tous les coups le niveau de la séquence de l’Eurovision qui devrait marquer les esprits ?) mais dont les répliques percutantes font mouche à tous les coups, il tisse une romance originale à trois (So, Jerem et Yves), et donne du même coup un air de modernité au vaudeville. Mais ses précieux ingrédients ne seraient rien sans cette brochette de comédiens (parmi lesquels la décidément très douée Doria Tillier) inspirés dont le jeu aux mille nuances nous transporte sans peine du rire aux larmes et grâce à qui cette histoire à la froideur annoncée se transforme en une poétique fable ultra-contemporaine.

Source : Avoir-Alire.com