Le daim

Synopsis : Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet.

Sortie en salle le 19 juin.

Allégée de la moindre digression what the fuck, cette nouvelle farce absurde de Quentin Dupieux cible très directement la relation fétichiste, et même morbide, que nous pouvons entretenir avec nos affaires personnelles. Difficile de ne pas se sentir visé.

Après avoir tenté, l’an dernier avec Au Poste !, de mêler sa fantaisie à un genre ultra codifié, en l’occurrence le polar à la française, Quentin Dupieux se lance un défi inverse : réussir à retranscrire la folie inhérente à son cinéma, sans avoir recours à des transgressions narratives de l’ordre du surréalisme. Rien de mieux pour cela que de nous faire suivre la plongée d’un personnage dans une névrose autodestructrice. C’est à Jean Dujardin, qui n’avait jusque-là pas encore eu l’occasion de travailler avec le réalisateur, qu’est revenu le privilège d’incarner cet homme qui perd peu à peu sa raison, au profit d’un amour inconditionnel pour son manteau. Etonnamment, l’acteur nous livre, dans la peau de ce sociopathe, dont on ne connaît finalement rien d’autre que le prénom, Georges, l’une de ses meilleures prestations, puisqu’il réussit à apparaître, dans un premier temps, comme véritablement pitoyable, alors que son manteau semble encore lui servir à combler un manque d’affection, se transformant ensuite en personnage terriblement menaçant.
Adèle Haenel livre elle aussi une prestation solide, apparaissant comme ce qui semble être un ange gardien, jusqu’à ce que le scénario suscite un doute : qui manipule qui ? Toute la misanthropie de Dupieux apparaît ainsi dans le caractère tout aussi destructeur qui peut naître de la relation fétichiste de George avec son manteau en daim, que de celle qu’il va entamer avec cette jeune femme qui semble s’intéresser à lui.

La dénonciation du matérialisme se retrouve dès lors doublée d’un discours fataliste magnifiquement anxiogène. Et pourtant, Quentin Dupieux réussit à rendre son récit agréable à suivre grâce à quelques touches d’humour noir et décalé, ainsi que des choix musicaux plutôt déroutants, comme il en a le secret. Il renoue également avec le style visuel, identifiable à une lumière pâle assez laiteuse, qu’il avait déjà expérimenté dans Wrong et Wrong Cop. On retrouve donc bien le Dupieux que l’on connaît ; et pourtant, il nous surprend en parvenant à faire avancer son récit du début à la fin, sans jamais que celui-ci ne subisse de rupture de ton, ni aucun autre dispositif absurde. C’est bien la folie du personnage, et non pas celle du cinéaste, qui est à l’écran. Défi réussi.

Source : Avoir-Alire.com