Synopsis : Suite au scandale de la projection de L’ÂGE D’OR à Paris en 1930, Luis Buñuel se retrouve totalement déprimé et désargenté. Un ticket gagnant de loterie, acheté par son ami le sculpteur Ramon Acin, va changer le cours des choses et permettre à Buñuel de réaliser le film TERRE SANS PAIN et de retrouver foi en son incroyable talent.
Sortie en salle à partir du 19 juin.
A travers ce dessin animé documentaire, Salvador Simó et Fermin Solis proposent une leçon de vie autant qu’une leçon de cinéma, en inaugurant un sous-genre jusqu’alors peu vu, le making-of d’un film de patrimoine en dessin animé. Passionnant !
Ce beau film sur le film Terre sans pain de Luis Buñuel s’adresse-t-il à un public de niche, composé de cinéphiles, de curieux, d’« intellos » ou d’historiens érudits ? D’ailleurs, qui se souvient du documentaire Terre sans pain que le cinéaste espagnol réalisa en 1933 sur les terres inhospitalières et mêmes réputées hostiles des Hurdes ? Certes, ce documentaire d’animation éveille la curiosité ou les bribes de souvenirs que quelques irréductibles cinéphiles peuvent avoir gardés de ce film inclassable. On a envie de voir ou de revoir ce Terre sans pain dont ne sont proposés que quelques extraits reconnaissables ici au fait d’être les seules séquences en prises de vue réelles. Nous découvrons, dans Buñuel après l’âge d’or, la chance inouïe du cinéaste et son talent à saisir une opportunité inespérée de refaire surface, de relancer sa créativité, de reprendre pied, après le chaos provoqué par le scandale de L’âge d’or qui, sans un coup de pouce du destin, aurait ruiné sa vie artistique. Nous saisissons aussi combien Buñuel ne pouvait se défaire des obsessions qui étaient les siennes au cours de sa période surréaliste. Même les exigences de l’écriture documentaire ne suffirent pas à l’extirper de la rêverie, des torpeurs et des traumas de son enfance artistique. Ainsi peut-on repérer moult éléments de reconstitution de la vie de Buñuel, dans ce film. Il y a aussi des indices qui, au-delà de ce terre sans pain si particulier, font voir la place centrale de l’onirisme dans l’imaginaire buñuelien. On se rend compte que le metteur en scène, en surréaliste de la première heure, était déjà animé d’engagements politiques aux côtés des « olvidados » que sont les habitants de cette région déshéritée de l’Espagne pré-franquiste et qu’il pouvait compter sur son charisme, pour ne jamais transiger avec les moyens qui auraient empêché d’autres d’atteindre leurs fins. Jean-Claude Carrière, le scénariste de Belle de jour, sait de quoi il retourne, dès lors que l’on évoque la relation de Buñuel à l’« Obscur objet de désir », qui caractérise songes et rêverie.
Ils en témoignent ensemble dans Mon dernier soupir, l’autobiographie que Buñuel a accepté d’écrire avec lui. Fort d’un magnétisme et d’une autorité naturelle qui ont à voir avec le destin, Luis Buñuel, bien qu’assailli par les doutes, se montra tenace et résolu, comme le démontrent ces moments de mise en scène relatés par le film, sans en contredire l’intention documentaire. Ici, le hasard est provoqué, l’écriture automatique est abandonnée au profit de l’essai cinématographique, en l’occurrence l’adaptation d’une recherche ethnographique du médecin Maurice Legendre, qui explora ce terrain pendant une vingtaine d’années, qui en publia une synthèse en 1927, dont le contenu constitua la source d’inspiration de Buñuel, avec la complicité d’Eli Lotar, de Ramón Acin et de Pierre Unik.
Mais, au final, l’humanisme de Luis Buñuel transparaît et nous interpelle. Il fait de ce documentaire une oeuvre contemporaine, qui dépasse son objet pour donner la parole à des voix intemporelles et universelles.
Source : Avoir-Alire.com