Parasite

Synopsis : Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…

Sortie en salle le 5 juin

Bong Joon-ho réinvente le classique “film de maison”, avec ses relations vénéneuses entre servants et employeurs, et fabrique un thriller au rythme fou, sans rien perdre de son regard attentif sur la société coréenne. Un coup de génie.

La représentation de notre civilisation, telle que la donnait déjà Bong Joon-ho dans Snowpiercer, est celle d’un schéma pyramidal, dont le but de chacun serait d’en franchir les limites et ainsi atteindre un niveau de vie supérieur. La symbolique science-fictionnelle n’a désormais plus lieu et c’est bien au sein d’une famille de laissés-pour-compte dans le Séoul d’aujourd’hui qu’il pose sa caméra. Dans cette vision dictée par le déterminisme social, la famille de Ki-taek n’a pas d’autre espoir, pour survivre, que de voler leurs voisins plus riches.

On les découvre ainsi en train de profiter gratuitement de leur wi-fi, sans le moindre scrupule. Et pourtant, il est difficile de condamner ces individus. Le seul fait de les voir en famille les rend inévitablement sympathiques (la bouille affable de Song Kang-ho y participe). De fait, on ne s’inquiète pas de voir se monter l’arnaque, puisque celle-ci se construit de manière assez classique, rappelant le récent Mademoiselle de Park Chan-wook, qui lui-même était une variation du classique La Servante (Kim Ki-Young, 1960). Il faut attendre, tout en profitant de cette mécanique délicieusement machiavélique, au moins une demi-heure avant que l’entreprise ne commence à se montrer suspecte. Autant dire que le public a largement le temps de s’attacher à ces personnages avant de s’inquiéter de leurs limites morales. Mais les choses continuent à s’aggraver peu à peu, et le suspense du film ne fait qu’augmenter, jusqu’à atteindre un niveau que l’on peut aisément qualifier d’horrifique.

Tout le génie de Bong Joon-ho réside dans ce mélange de genres qu’il organise subtilement, là où beaucoup de réalisateurs auraient créé des points de ruptures brutaux (c’est notamment le cas de Jordan Peele, aux Etats-Unis). S’embarquer dans Parasite, c’est accepter de se perdre dans ses repères cinéphiliques et moraux. C’est accepter de s’amuser d’une comédie sociale, sans avoir peur d’assister en même temps à un thriller cruel et haletant, tout en ne l’ayant pas vu venir.

C’est sans doute lorsque la violence sociale, qui apparaît au début comme le véritable antagoniste de cette banale histoire d’arnaque, devient violence physique que le film connaît sa première variation. Et pourtant, la violence semble alors comme une pièce du divertissement, presque jouissive. Le spectateur est déjà acquis à la cause des arnaqueurs. Plus tardif sera le moment où il va s’en apercevoir, plus le retour de bâton sera brutal. L’allégorie du train à plusieurs wagons a, en fait, laissé place à un jeu plus habile encore, qui nous confronte à un thriller social ultra violent et nous laisse face à nos réactions. Tout est malicieusement pensé pour nous faire douter de nos propres sentiments vis-à-vis de ces personnages : doit-on s’attacher à eux parce qu’ils ne font qu’essayer de sortir d’un carcan social ou doit-on les détester parce qu’ils laissent derrière eux des victimes ? La seule certitude, c’est qu’il ne faut pas compter sur Bong Joon-ho pour nous offrir un happy end moralisateur, afin de se donner bonne conscience.

Source : Avoir-Alire.com